Du 12 au 19 octobre avaient lieu à
Beijing, Chine, les 8e championnats du monde de sudoku ainsi que les
22e championnats du monde de jeux de logique. J'y participais au sein
de l'équipe de France pour la 3e année consécutive, avec en ligne
de mire, outre le fait de profiter au maximum des événements, trois
objectifs principaux : approcher autant que faire se pût un podium
en finale du Sudoku Grand Prix, améliorer ma marque de l'an
dernier lors des championnats de sudoku (6e), et contribuer à
établir, toujours en sudoku, une nouvelle meilleure performance
d'équipe (précédemment, 5e en 2012). Tout ne se sera pas déroulé
comme prévu... vous pourrez en juger. Place au compte-rendu du
voyage et de la première journée de compétition.
Vendredi 11 et samedi 12 octobre - voyage et arrivée en Chine
Après une nuit passée en
région parisienne en compagnie de mon coéquipier Sylvain Caudmont,
tous deux profitant de l'appartement d'une hôtesse de nos amies
(hébergement de qualité, à conseiller), je retrouvai à l'aéroport
de Roissy les six autres membres de la délégation française...
moins un. Empêtré dans un mélange de grèves et de défaillances
du sens de l'orientation, notre ami et co-auteur Geoffroy Hermelin
s'avéra dans l'impossibilité d'atteindre l'aéroport à temps pour
le décollage, réduisant d'un quart l'effectif de l'équipe
Sudoku-B. Les choses ne partaient pas du meilleur pied.
Un bref premier vol nous mena à
Zürich et c'est en terre suisse que nous retrouvâmes nos premiers
adversaires - autant qu'amis -, les suisses Christoph Bruetsch et
Frédéric Stalder, et l'allemand Michael Ley.
Quelques formalités plus tard,
nous étions en route pour Beijing ; vol tranquille, passé entre
entraînement - modéré -, musique et tentatives de sieste afin de
déjouer le décalage horaire (nous devions arriver en début de
matinée et allions donc écoper de l'équivalent d'une nuit
blanche).
Atterrissage sans histoire et,
après avoir récupéré une partie de l'équipe de Pologne, montée
dans le bus en direction de l'hôtel... "Château-Laffitte".
Au temps pour le dépaysement, mais le cadre promettait du moins
d'être agréable.
Le très typique hôtel Château-Laffitte
Sur place, une fois expédiées
(laborieusement) les formalités d'arrivée, nous décidâmes de ne
pas nous attarder davantage dans le hall et allâmes sans tarder
faire la connaissance de notre chambre, ayant bien l'intention de
profiter des deux premières journées pour nous reposer au maximum
afin d'aborder la compétition dans un état de forme acceptable. La
chambre n'avait pas mauvaise allure si l'on n'y regardait pas de trop
près, mais d'emblée, double mauvaise surprise : l'unique élément
de la pièce évoquant une fenêtre s'avérait opaque et impossible à
ouvrir, et l'air ambiant avait tendance à piquer le nez et la gorge.
Peu engageant.
Le soir venu, la cérémonie
d'ouverture nous confirmait que les organisateurs n'avaient pas
lésiné sur les moyens pour faire de ces championnats un événement
marquant : intervention de diverses personnalités, montée du
drapeau national et de celui de la World Puzzle Federation, et
lancement officiel de la compétition à l'aide d'un énorme tambour
traditionnel, le tout sous l'oeil de la télévision chinoise.
Dimanche 13 octobre - visite et photographies officielles
Une mauvaise nuit plus tard,
montée dans le bus afin d'entamer la traditionnelle journée de
visite, particulièrement alléchante compte tenu du lieu. Au
programme, promenade sur la Grande Muraille, crochet par les tombeaux
des empereurs Ming, pour finir par les installations des jeux
olympiques de 2008. La route menant aux tombeaux s'étant
malencontreusement avérée barrée pour la journée, nous nous
contentâmes finalement de la fameuse muraille (et du non moins
impressionnant cortège de vendeurs de babioles faisant son siège)
et de la visite du Watercube (stade nautique) et du Birdnest
(stade olympique). La journée fut également consacrée aux
photographies d'équipes et à la photo générale.
Nous eûmes entre temps droit à
un déjeuner plus que copieux dans un restaurant, où nous eûmes
confirmation du fait que la consommation d'eau plate à table allait
cette année encore s'avérer un problème.
L'équipe française au quasi-complet
Lundi 14 octobre - premier jour de compétition WSC
Réveil plus que pénible ce
lundi, avec un fort mal de gorge et un début de fièvre
annonciateurs de ce qui allait se révéler une angine carabinée. Le
petit déjeuner eut du mal à passer, et ainsi de tous les repas qui
suivirent... Inutile de nier que ma confiance en moi en prit un petit
coup, à l'approche de la première épreuve. Néanmoins je n'avais
pas fait ce chemin pour vivre les championnats depuis le lit d'une
chambre d'hôtel, et c'est dans un état plutôt vague que je pris le
chemin de la salle destinée à accueillir la compétition.
À 10h exactement le début de la
première épreuve était donné, de même que lors du BIST 2011, au
moyen d'un instrument traditionnel évoquant un tambour suspendu. Je
partageais ma table avec Joshua Zucker, un joueur américain des plus
agréables, et avais l'oeil sur Tiit Vunk et Rishi Puri, tous deux
immédiatement à ma gauche.
Épreuve 1 : Classic Sudoku (30')
18 grilles pour ce sprint annoncé
de 30 minutes. 14 grilles 9x9, 3 6x6 par amabilité et, pour le clin
d'oeil, une 4x4... employant les chiffres de 0 à 3 et valant un
point. Pas de mystère, un seul objectif : tout faire.
Je commençai par la 12e grille,
valant 15 points, afin de situer le niveau de difficulté, et
progressai vers les grilles les plus difficiles. Il apparût que
certaines n'étaient déjà pas totalement évidentes, mais je
terminai néanmoins cette série de 7 grilles sans souci majeur et
enchaînai sur les plus faciles. Je terminai la série de 9x9 à
l'exception de la grille à 12 points sur laquelle je ne voyais pas
l'ouverture, poursuivis avec les 4 petites car la fin de l'épreuve
approchait et retournai sur la 12... qui décidément ne me sourit
pas puisque le gong résonna avant que j'en aie terminé avec elle.
Bilan : 188 points sur 200 ; 224 pour Kota Morinishi qui démarrait en
fanfare avec un bonus de 3 minutes.
Épreuve 2 : Common Variant Sudoku (88')
18 grilles également (le thème
du tournoi était le chiffre 8) mais une durée presque triple pour
cette première épreuve de variantes. Property, ISO,
Ring, Nine Dragons, Interconnected Sudoku... Un
grand méli-mélo de grilles particulièrement variées et pas toutes
aussi communes que l'annonçait le nom de l'épreuve. La difficulté
moyenne s'avéra suffisamment raisonnable pour qu'il fût
envisageable de terminer l'épreuve dans les temps, mais il me manqua
un chouïa de vitesse pour ce faire. Je rendis 17 grilles ; 3 à 4
minutes me manquèrent pour engranger les 45 points du Sudoku
Fortress. Il s'avéra malheureusement que j'avais rendu deux
grilles avec, respectivement, une case vide (Six Point Star
Sudoku) et deux chiffres inversés (Ring Sudoku). Deux
fois 10 points de retrait, pour un total de 535 sur 600 ; seul Tiit
Vunk en finit dans les temps, mais sans bonus.
Épreuve 3 : Jigsaw Sudoku (15')
Il est presque de tradition
qu'un championnat du monde de sudoku se doit de comporter au moins
une épreuve controversée ; cette année, le rôle fut
indéniablement tenu par la troisième épreuve, au concept
intéressant mais à la réalisation plus discutable.
Le principe : une grille vierge
accompagnée de trois enveloppes marquées chacune d'une lettre ;
dans ces enveloppes, huit pièces de papier comportant un nombre plus
ou moins élevé d'indices : minimal pour l'enveloppe A,
intermédiaire pour la B et maximal pour la C. Charge au joueur de
déterminer l'emplacement de ces pièces dans la grille afin de
pouvoir résoudre celle-ci, sachant que le fait d'ouvrir l'une ou
l'autre enveloppe conditionne la valeur de la grille : si seule
l'enveloppe A a été utilisée, la grille vaut 100 points (+ points
de bonus éventuels) ; si la B a été décachetée, sa valeur chute
à 50 points et la compléter ne rapporte pas de points bonus ;
enfin, si les indices de la C ont été employés, c'est d'un maximum
de 20 points que l'on héritera.
Ce qui aurait pu s'avérer une
épreuve plaisante se sera malheureusement révélé plus laborieux
qu'agréable, le positionnement des pièces faisant manifestement
davantage appel à un mélange d'intuition et de chance que de
raisonnement logique ; c'est du moins ainsi que les joueurs ayant eu
le bonheur d'en finir avec l'enveloppe A décriront leur prestation.
Pour ce qui me concerne, après avoir gâché 5 minutes en pure
perte, je me résolus à ouvrir l'enveloppe B et trouvai heureusement
l'agencement adéquat rapidement, me permettant de sauver les meubles
en assurant 50 points. Tiit Vunk, Jan Novotny et Zuzana Hromcová
prirent sur cette épreuve une avance confortable sur la
plupart des autres concurrent(e)s en engrangeant 148 points, là où
nombreux parmi les favoris ne dépassèrent pas mon score.
Épreuve 4 : Classic Sudoku 2.0 (35')
Un repas arrosé au soda plus tard
(nous apprîmes avec le temps à constituer des réserves d'eau, en
profitant notamment de la politique de l'hôtel "une bouteille
d'eau offerte par personne et par jour" ), reprise des
hostilités sur le même modèle que le matin : classiques puis
variantes.
Seconde et
dernière épreuve "purement classique", celle-ci ne
comportait que 8 grilles s'étageant entre 22 et 36 points ; l'on
était donc en droit de s'attendre à de beaux morceaux, et de fait,
les grilles s'avérèrent un bon cran au-dessus de ce que nous avait
montré l'épreuve 1. Les classiques retorses n'étant pas mon point
le plus faible, et malgré un état de santé n'allant pas en
s'améliorant, je rendis donc l'épreuve avec près de 6 minutes de
marge, m'assurant un score de 270 points sur 230 hors bonus (maximum
286 pour Jakub Ondroušek).
À ce point de la compétition, et
bien que son départ tonitruant eût déjà mis Tiit Vunk sur orbite,
les choses semblaient prendre pour moi un bon tournant.
Épreuve 5 : + – × ÷ (40')
J'abordai cette cinquième épreuve
de façon passablement indécise. En effet, si la plupart des grilles
semblaient devoir me convenir (Killer, Arrow, Star
Product...), la dernière (et plus chère) promettait d'être en
mesure d'opposer une forte résistance. Il s'agissait d'une variation
sur le thème du Mathdoku, variante dont certains indices,
chevauchant deux cases, correspondent au résultat de l'une des
quatre opérations arithmétiques de base appliquée aux deux
chiffres correspondants ; chaque opération devant être utilisée
une fois et une seule par région contenant des indices (exemple).
La particularité de la grille qui allait nous être proposée était
que les indices ne correspondaient plus au résultat de l'opération,
mais au chiffre des unités de ce résultat, d'où un nombre
de possibilités considérablement accru. Après m'être débarrassé
sans peine de 6 des 8 grilles de l'épreuve et disposant encore de
plusieurs minutes, je commis alors l'erreur de m'attaquer à celle-ci
au lieu d'assurer les 10 points du minuscule Outside Sum Sudoku
5x5. Et bien mal m'en prit puisque ni les 55 points du Mathdoku,
ni les 10 points du Outside Sum, que j'attaquai en désespoir
de cause à moins de trente secondes de la fin de l'épreuve, ne
tombèrent dans mon escarcelle. 185 sur 250, contre 195 pour la
plupart de mes adversaires directs, ceux-ci ayant visiblement fait
preuve de plus de sagesse.
Épreuve 6 : Ball Sudoku (25')
Première épreuve par équipe,
celle-ci était également la seule du tournoi dont la durée avait
été lourdement mésestimée. 6 grilles classiques à résoudre et à
relier entre elles à l'aide de 12 grilles 4x4 afin de former une
pseudo-sphère : la chose aurait pu être intéressante, mais la
difficulté des grilles classiques réduisit à néant les chances
des équipes de profiter vraiment de ces 25 minutes. La Pologne, avec
ses 480 points sur 750 (4 grilles résolues), fut la seule à sortir
la tête de l'eau, aucune autre équipe n'en ayant résolu plus de
deux. La France se contenta d'un bien modeste score de 120 points,
avec une seule grille complétée. Avec l'épreuve 3, celle-ci
restera à mes yeux comme à ceux de nombreux/ses autres
participant(e)s la principale déception du tournoi.
Épreuve 7 : Match Sudoku (30')
Cette deuxième épreuve par
équipe était construite sur un tout autre modèle : 8 grilles, de 8
types différents, nous attendaient ; chacune était insoluble telle
quelle, et devait être appariée à l'une de ses sept congénères.
Une fois les règles et indices de ces deux grilles associés, il
devenait possible de les résoudre. Quatre paires à constituer donc,
à partir des variantes suivantes : Diagonal, Killer,
Odd Even, Anti-Knight, Consecutive, Inequality,
Windoku et Little Killer.
Nous avions auparavant discuté
de nos points forts/faibles respectifs afin de préparer dans une
certaine mesure la répartition des grilles, pour le cas où nous
parviendrions à les apparier rapidement. De plus, nous avions prévu
de concentrer dès le départ nos efforts sur le Sudoku Odd Even, a
priori celui permettant le plus d'éliminations. Pour l'anecdote, les
grilles contenaient respectivement 7, 0, 0, 6, 0, 0, 6 et 0 chiffres
donnés, ce qui encourageait de fait à déterminer les couples le
plus tôt possible.
Nous nous mîmes donc d'emblée
à travailler de concert à rejeter six variantes ne pouvant coller
au Sudoku Odd Even. Très vite, il devint clair que celui-ci
allait avec le Sudoku Inequality et je me collai à sa
résolution pendant que le reste de l'équipe cherchait à apparier
les six grilles restantes. L'une et l'autre tâches furent rapidement
expédiées, et pendant que Sylvain s'occupait de son côté du
couple Consecutive/Little Killer, j'aidai Frédérique à
passer le point de blocage de la paire Killer/Anti-Knight
avant de rejoindre Timothy, à la peine sur la redoutable
Windoku/Diagonal que nous achevâmes à quatre.
Une rapide vérification de
l'ensemble des grilles et nous rendions notre copie avec un peu plus
d'une minute trente d'avance, assurant 30 points de bonus et nous
offrant le luxe de finir cette épreuve en tête (seule la Chine en
terminera également dans les temps, une minute après nous) :
830/800.
Épreuve 8 : Mah-jong Sudoku (30')
Crayons interdits pour cette
dernière épreuve de la journée - et ultime épreuve par équipe -,
qui promettait également d'être la plus originale. Une seule grille
nous attendait, dépourvue de chiffres mais abondamment fournie en
indices sous la forme de lignes de couleurs variées, correspondant à
des combinaisons de Mah-jong. 81 pièces dudit jeu accompagnaient la
grille et devaient permettre de la résoudre compte tenu des
contraintes induites par les lignes précitées. Nous avions
également préparé cette épreuve autant que faire se pût, et
pensions l'aborder dans de bonnes conditions. Malheureusement, une
combinaison de myopie et de précipitation nous conduisit à
accumuler les bourdes, nous forçant à recommencer une première
fois la grille de zéro puis à revenir plusieurs fois en arrière
afin de corriger l'une ou l'autre erreur de placement. Nous rendîmes
la grille porteuse de 50 pièces, écopant ainsi des 500 points
correspondants, un bien maigre score par rapport à nos concurrents
directs (Chine 1070, Japon 920...). Nous avions incontestablement les
moyens de terminer cette épreuve dans les temps ; quelques regrets
donc.
Ne pas confondre vitesse et précipitation (à retenir)
À l'issue de cette 8e épreuve,
c'en était fini des championnats pour ce premier jour. Malgré
quelques couacs et un état de forme peu enthousiasmant je m'estimai
satisfait de ma performance, pointant à la 2e place provisoire
derrière Tiit Vunk et ayant déjà creusé l'écart de façon assez
nette avec les joueurs/ses classé(e)s de 11 à 15. Trois épreuves
individuelles nous attendaient encore le lendemain matin, suivies des
phases finales l'après-midi. Pourtant la journée était encore loin
d'être terminée pour moi, car ma soirée allait être occupée par
la finale du Sudoku Grand Prix, qui me tenait particulièrement
à coeur...
À suivre !
Nota : les images employées pour illustrer l'article ne m'appartiennent pas ; il va de soi que je les retirerai sur simple demande de leur auteur.